Episode 45. FIN
Le Tazer chute lourdement sur le sol alors que son propriétaire s’essuie laborieusement du revers de sa manche et balbutie :
— Non. Je ne veux pas te frapper… Je ne veux pas te… faire du mal. Dis-moi plutôt où se trouve le véritable mal ?
— Connaissez-vous Saumur ? Le bastion de l'ordure, le fief du bourgeois, mentalité de rats. Connaissez-vous Saumur ? Et sa garnison, population mesquine, mentalité rupine.
— J’ai du mal à y croire… Non, ce n’est pas possible… Tu… mens.
— Cela existe encore dans ce pays en or. Ces faits, je les ai constatés, se sont accumulés. Mais dans cent ans encore, on jettera dehors toute personne étrangère à ces mœurs de l'ère primaire.
— Bon sang… T’as vraiment vécu ça ?
— Ville du « qu'en dira-t'on », ville exemplaire. Si tu as l'aspect louche t'es pas ici pour plaire. Méthodes de barbares chez les « collets-montés », méthodes militaristes, gens sur lesquels je pisse ! Et je pisse !
Le policier s’esclaffe en prenant son sexe à pleines mains C’était le bon temps…Michael Jackson Style.
— AH AH !!! Prenez ça dans la gueule ! Bien envoyé mec !
— Tel un forçat brisant ses chaînes tu joins tes poings et tu contiens ta haine. Tu es sorti, retour à la vie. Il faut te racheter, prix de ta liberté. Ils t'ont dit non à l'agence de placement ça t'a surpris, t'attendais pas ça des gens, t'estimes avoir payé, été humilié, comme ça, toute ta vie, tu seras poursuivi.
Le flic enrage et serre les poings :
— Les enculés… Les enculés…
— Bouge, redresse-toi et bouge ! Défends-toi. On parle autour de toi !
— Qui ?? Qui parle ??? Quel est l’enculé ??...
— Tu vas peut être braquer et recommencer jusqu'à ta mort, prisonnier de ton passé. Une dernière plainte, tu veux réagir. Tu ne veux pas croupir, tu ne veux pas pourrir. Ils t'ont laissé sortir mais sans y penser, tu rôdes dans la rue, tu te déplaces en cage. Un jour, ils te serreront pour te faire replonger. Dans une orgie de sang tu vas riposter.
— Et ça va chier !!
— L'homme qui franchit les portes d'une prison en reste marqué à vie, quoi qu'il fasse sur le chemin de la réinsertion sociale, la société est vindicative.
Le policier se perd dans ses pensées.
— J’avais jamais vu ça comme ça bordel…
— Un ex-condamné ne sera jamais quitte de sa dette, même après l'avoir payé car on lui refusera le droit de vote mais il paiera ses impôts et sera mobilisé si une guerre se produit. Châtré de ses droits civiques, il restera un ex-taulard. L'homme à qui on refuse le droit de décision n'est qu'une moitié d'homme. Il se soumettra ou se révoltera.
Les mots de Prosper-Félix ont su traverser le blindage de l’uniforme :
— Pays de merde !!! Société de merde !!!
— Sors, allez, sors, sors tes griffes !
L’effet ne se fait pas attendre. Les doigts du gardien de la paix se crispent, sa mâchoire se serre :
— OUAIS !!! T’as raison mec ! Ce monde est pourri jusqu’à l’os !
— Tu bosses toute ta vie pour payer ta pierre tombale, tu masques ton visage en lisant ton journal, tu marches tel un robot dans les couloirs du métro, les gens ne te touchent pas, il faut faire le premier pas ! Tu voudrais dialoguer sans renvoyer la balle, impossible d'avancer sans ton gilet pare-balle, tu voudrais donner des yeux à la justice, impossible de violer cette femme pleine de vices !
Le policier déchire son uniforme avec une rage extrême. Des lambeaux bleus volent au quatre coins de la pièce.
— J’encule la société et cette justice de MERDE !!!!!!
— Antisocial, tu perds ton sang froid ! Repense à toutes ces années de service. Antisocial, bientôt les années de sévices ! Enfin le temps perdu qu'on ne rattrape plus.
Le policier arrache l’un des tiroirs de son bureau et l’envoie valdinguer jusqu’au mur d’en face après en avoir extrait une… CLEF !!
— C’est VRAI !! Alors il faut les prendre MAINTENANT ! On va tous se les faire, à coup de battes s’il le faut !
— Ecraser les gens est devenu ton passe-temps. En les éclaboussant, tu deviens gênant. Dans ton désespoir, il reste un peu d'espoir, celui de voir les gens sans fard et moins bâtards. Mais cesse de faire le point, serre plutôt les poings. Bouge de ta retraite, ta conduite est trop parfaite ! Relève la gueule, je suis là, t'es pas seul ! Ceux qui hier t'enviaient, aujourd'hui te jugeraient !!
Le flic est en larmes. Il tient la clef de la cellule à bout de bras à la manière d’une épée.
Mills et Total Commander se relèvent comme un seul homme et se mettent à parler en cadence derrière Prosper-Félix.
— Antisocial, antisocial, antisocial, antisocial, antisocial, antisocial, antisocial, antisocial, antisocial, antisocial, antisocial, ANTISOCIAAAAAALLLL !
Le flic s’approche de la serrure…
…y introduit la clef…
…la tourne…
…et ouvre la grille !!!
Aussitôt, Mills, Le Chasseur et Prosper-Félix lèvent les bras au ciel en signe de victoire et crient à l’unisson :
— OUUUUUAAAAIIISSSSS !!!!!
Mais de l’autre côté du mur des bruits de pas s’amplifient et font place à des bribes de voix :
— Qu’est-ce qui se passe par là ?
— Vous aussi vous avez entendu des mecs crier ?
— Chef, oui chef !
La joie de Mills retombe et ses acolytes s’en rendent parfaitement compte quand il dit :
— Putain, c’est quoi cette merde encore ?
PS : Prosper-Félix parle sur des paroles de Site officiel du groupeTRUST issues de l’album « Répression » datant de… 1980 !!! Plus les choses changent et plus elles restent les mêmes...