28 novembre 2008

Mills' Story 045.1 :
Repression

 
 

Une malencontreuse mésentente a conduit Mills directement dans une cellule du commissariat le plus proche et une incroyable coïncidence l’a fait tomber dans la même cellule que ce bon vieux Prosper-Félix Cornineti ! Aussitôt, il réactive la fibre révolutionnaire de l’homme blessé et le lance à l’assaut de Babylone ! Mais le policier resté pour les garder le menace de son Tazer.

045

P rosper-Félix baisse la tête. Le flic a gagné, la force a gagné, la peur de se pisser dessus a gagné. Mais Mills ne peut laisser passer cela. Il se redresse et se place sur le chemin du héros du peuple encore ensommeillé et lui murmure à l’oreille.

- Tu ne peux pas faire ça Prosper-Félix. Nous avons besoin de toi. Le passé est déjà oublié.

Prosper-Félix garde ses yeux rivés sur les électrodes prêtes à s’enfoncer dans son corps et décharger l’urine toute fraiche au fond de son pantalon encore humide.

Le flic s’approche…

— Qu’est-ce que vous complotez tous les deux ?

Mills l’ignore :

— Je me souviens de Retour à l’épisode en questioncet instant où les mots justes refusèrent de sortir de ta bouche pour convaincre les oppresseurs.

Prosper-Félix se rapproche de la grille et la prend entre ses mains. Il bombe son torse au moment où Mills annonce :

— Le pays a besoin de toi. NOUS avons besoin de toi…

Le doigt de l’homme en bleu tremble sur la gâchette.

— Séparez-vous ! Je ne le répèterai pas deux fois !

•••

Mills lève les bras au ciel en signe d’acceptation et recule en marmonnant :

— Regarde-le, ton pays… Regarde comment il traite les hommes de bonne volonté…

Le flic se rapproche dangereusement et hausse le ton :

— J’ai dit asseyez-vous ! Essayez plutôt de ruminer les circonstances qui vous ont entrainé ici !

•••

Le regard de Prosper-Félix se remplit de sévérité. Ses mains pourraient presque tordre les barreaux. Il prend une grosse inspiration et déclare :

— C'est un peu facile d'édicter des messages, quand on est au chaud à l'abri des assauts, pendant que tout un peuple criait « démission » et tombait sous les balles.

— Tu délires connard. Le pays ne s’est jamais aussi bien porté !

D’un geste précis il désigne la télévision retransmettant l’arrivée de notre président dans son fief de l’Elysée sous les acclamations de la foule.

— Le retour tant attendu est arrivé : Monsieur Comédie, l'avion, il l'a repris. Dans un bain de foule, il est rentré au pays. Ça sent l'épuration...

— Oh ! Arrêtez de parler de notre président comme ça ! Son voyage fut d’une importance capitale ! N’avez-vous pas regardé « Président-TV » ?

— Durant tout son exil, il n'a fait que prières ! Derrière le vieux croyant se terrait le tortionnaire.

— Calomnies ! Vous allez retourner à votre place tout de suite et la fermer ! C’est de notre leader dont vous parlez !

— Il a sa place à l'hospice, et non dans la police. L'être humain est repu, il est rassasié. Dose d'atrocités.

— Quoi ??? C’est TOI l’atrocité ! Ta place est derrière ces barreaux avec tes amis tordus. Ce qu’on m’a raconté sur toi est donc vrai… Espèce de… Monstre !

•••

Il beugle le bougre mais rien, non rien ne semble pouvoir arrêter le rouleau compresseur estampillé du doux prénom Prosper-Félix.

— Je vais te parler de l'ennemi public numéro 1, celui qu'on t'a dépeint comme une bête féroce. Je ne veux pas le juger, je ne veux pas le glorifier mais ta grande gueule, témoin, t'as eu tort de la fermer car Porte de Clignancourt, vendredi 2 novembre, sois fier de ta police, elle a exécuté !

— Mais de qui tu parles ?

— L'Etat choisit ses cibles, éclaircit ses rangs. L'ordre peut régner, de la mort, du silence.

— Tu ne crois pas que t’en fais un peu trop là ? Retourne sur ton banc et ferme ta gueule !

Même prononcées avec une certaine conviction, ses paroles sont incapables de franchir les barreaux pour toucher le magnifique Prosper-Félix :

— Pour l'avenir de tes gosses qui seront pourchassés, dans cette prison modèle qu'est Fleury Mérogis. Cinq par cellule, il reste une place pour ton fils. Depuis que la peine de mort est administrative tu les as vus se marrer tous nos grands justiciers telle une meute de clébards qu'on jette à la curée.

Le policier semble quelque peu désarçonné. Il marche en direction de son téléphone…

— Faut que j’appelle du renfort…

…mais Prosper-Félix joue de la voix pour le clouer sur place :

— Le pays est fliqué ! Citoyen surveillé. Le mangeur d'hommes a faim. Pas sûr du lendemain.

— Non… Non. NON ! Le pays se porte bien et tous les prisonniers ont mérité leur sort ! T’as entendu ? TOUS !

— C'est dans tes prisons qu'on fabrique le crime. Les Buisson, Willoquet et bien d'autres Mesrine. Crois-le, la main tendue vaut mieux que les chaînes surtout quand tu es gosse, tu apprends vite la haine.

— Tout de suite les grands mots… T’es pitoyable !

— Destiné à crever en haute sécurité, royaume du tabassage, impunité calculée. Le crime est glorifié au son de la Marseillaise et en place publique son corps est exposé !

•••

Le policier attrape un bâton de son autre main et frappe contre les barreaux mais c’est à peine si le révolutionnaire cligne des yeux. Au contraire, il continue :

— Descends dans ma rue, inconnu je te le demande, tu n'as jamais vu toutes ces masses affalées, zombifiées dans ce luxe aseptisé, immaculé.

— C’est bon, c’est bon, je connais la chanson… Mais t’es qui toi ? T’es qui pour parler comme ça et pour parler de ça ? Hein !?

•••

1 avis au taquet:

  1. Quoi? Je ne découvre que maintenant cet épisode de la Mills Story et PERSONNE n'a mis un seul commentaire pour cet épisode superbement écrit???
    Prosper-Félix, c'est mon héros!!!

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Mills' Story © 2008 | Textes : O'Brian | Code, Son et Design : Cooljack | Illustrations : Cooljack, CAT4