28 novembre 2008

Mills' Story 045.2 :
Repression

Episode 45, suite.


C’est la main sur le cœur et la larme à l’œil que Prosper-Félix continue son récital :

— Les gosses de ma zone sont un peu paumés quand ils partent de chez eux, pas tellement heureux. Reste le vol à la tire, pas facile d'en sortir. Livrés à eux mêmes pendant que d'autres se plaignent. Dans ce grand merdier tu as 10 ans on t'a jugé. Il faut se débrouiller, les coups il faut les parer. Vous pouvez baisser les yeux, regarder les cieux, quand tu arrives à 15 piges, à tout le monde tu en veux.

Le policier baisse sa garde :

— Que… quoi ?

— A trente ans tu penses plus, ton cerveau est rongé. Il t'arrive de pleurer, et même de regretter. Quel effet ça doit faire, quand tu en parles à ta mère. T'as pas à les envier, ta seule issue c'est de les frapper !

Prosper-Félix envoie un coup de pied dans les barreaux qui en trembleront encore deux ans plus tard avant d’enchaîner :

— Sûr vous allez les plaindre, sûr, vous allez pleurer. Vous penserez « quel dommage d'en être là à leur âge ». Ayez la politesse de les écouter, vous êtes assis au chaud devant la fatalité. Y'a que dans les H.L.M. qu'ils ont toujours des problèmes.

•••

L’homme en bleu reprend du poil de la bête :

— Ah ça c’est facile ! La banlieue, les HLM ! La critique, toujours la critique ! Et toi, que fais-tu pour faire changer les choses, hein ? Tu veux me le dire ? A parler tout seul dans ton coin ? Tu te crois où ? Au théâtre ?

— Si je suis sur les planches c'est un peu ma revanche. J'ai tant de choses à dire, de zones à te décrire. Je n'ai pas de message, je n'ai jamais été sage.

Prosper-Félix persévère en désignant de la main Mills et Total Commander

— Avec toute ma rage, je parle de ceux de ma cage.

…puis dresse son index devant le visage du gardien de la paix :

— Passe ! Passe devant moi. Tel le rapace je peux surveiller mes proies. Passe ! Passe loin de moi. T'en fais une drôle de tête quand on te montre du doigt.

Le policier est ravagé. Il baisse les yeux, sa respiration devient plus saccadée…

— N'attends pas de moi de beaux discours, le langage que je parle, je l'ai appris dans ma cour. C'est mon environnement, les ordures et les gens. Je veux te reconnaître…

…et ne peux retenir une larme de couler le long de sa joue. Prosper-Félix l’aperçoit et hurle :

— Ça y est t'es vivant !

— Je ne sais plus où j’en suis… je suis… je… Je suis perdu. Dis-moi… Dis-moi ce que je dois faire ?

C’est en désignant la télévision du doigt et surtout le visage du chef de l’état illuminé par un sourire carnassier qu’il prononce la phrase suivante :

— J'en crèverai peut-être, je ne suis pas un leader. Mais comment être heureux devant tant de laideur ? Je te laisse parler, à moi d'apprécier. Tes coups et tes menaces ne me feront pas changer.

•••

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Mills' Story © 2008 | Textes : O'Brian | Code, Son et Design : Cooljack | Illustrations : Cooljack, CAT4